Communiqué de presse : le rapport « Doing Business » ou la fin d’une arnaque

Banque Mondiale : « Faire des Affaires » ne fait plus l’affaire / World Bank : Doing Business definitely out of business

Jeudi 16 septembre 2021, après la confirmation de très graves manipulations de données, la Banque Mondiale a officiellement décidé d’interrompre la production de « Doing Business », son rapport phare. En calculant l’indice de « facilité de faire des affaires » (« Ease of Doing Business Index »), cette publication établit depuis 17 ans le classement de référence mondial des systèmes juridiques nationaux selon leur capacité à faciliter la vie des affaires.

Ce n’est pas une surprise : le « programme de recherches sur l’attractivité économique du droit » que nous avions créé avait, dès 2006, mis en évidence les « biais » méthodologiques de Doing Business (en anglais : Methodological Limits of « Doing Business » Reports et Can we rank legal systems according to their economic efficiency (with Claude Ménard) ; en français : Des indicateurs pour mesurer le droit ? Les limites méthodologiques des rapports Doing business). Cependant les faits sont ici d’une particulière gravité.

Après que le Rapport Doing Business a été « mis en pause » en août 2020, l’enquête menée par le Cabinet d’avocat WilmerHale a mis en évidence les pressions exercées pour « améliorer » le rang de certains pays. Sont ainsi visés des hauts dirigeants de la Banque, dont Simeon Djankov, un des coauteurs de Andrei Shleifer, économiste de réputation internationale à l’origine de la méthodologie mise en œuvre par les Rapports Doing Business.

Ce scandale soulève de redoutables interrogations. D’une part, il est étonnant que le Rapport ait continué à être publié pendant 17 ans, survivant à nos critiques, reprises dans deux évaluations indépendantes de la Banque elle-même, en 2008 puis en 2013 mais aussi par de nombreux chercheurs et institutions, dont le Bureau International du Travail. A cet égard, si le « programme de recherches sur l’attractivité économique du droit » n’avait pas été interrompu dès 2007 après avoir fait monter la France de 17 places en deux ans, il est probable que ces critiques auraient conduit plus rapidement la Banque Mondiale à réévaluer sa méthodologie biaisée.

D’autre part, et surtout, les dommages causés par les rapports Doing Business successifs ont été considérables. Dans les pays en voie de développement d’abord, dont certains ont déployé des efforts considérables et dépensé beaucoup d’argent pour se conformer aux prescriptions de Doing Business.

Mais il y a plus grave. La réutilisation des données erronées de Doing Business par les agences de notation financière, comme nous l’avons démontré dès 2007 (voir Rating the Law : How Financial Rating Agencies are Assessing the Legal Risks of Financial Transactions), a eu pour effet de renchérir les dettes souveraine des États, mais aussi des entreprises, dont le système juridique était mal classé par la Banque Mondiale. L’effet de son « rapport phare » se compte donc en Dollars ou en Euros, en investissement non réalisé et finalement en emplois détruits.

Lire l’article en anglais :
https://www.linkedin.com/posts/bertrand-du-marais-2671b386_doing-business-data-irregularities-statement-activity-6712477320365641729-El51

World Bank Group to Discontinue Doing Business Report (en anglais) :
https://www.worldbank.org/en/news/statement/2021/09/16/world-bank-group-to-discontinue-doing-business-report?cid=ECR_TT_worldbank_EN_EXT

En français :
https://www.agenceecofin.com/economie/1609-91580-la-banque-mondiale-met-definitivement-fin-au-doing-business-suite-a-la-confirmation-d-irregularites-sur-de-precedentes-editions